Chasse Nocturne
Les pures forêts de l'ouest d'Orneval, denses et mystérieuses. Un enchevêtrement d'arbres et de plantes, dont certaines étaient complètement inconnues aux yeux de Bekakk.
Il ne les aimaient pas.
Cela faisait maintenant plusieurs mois que l'offensive de la horde sur les côtes de Sombrivage avait eu lieu. L'orc avait fait partie des nombreuses troupes à avoir participé à l'assaut violent et imprévu. Il avait aussi été témoin de l'incendie de Teldrassil. Bien qu'il n'aimait pas vraiment ces satanés elfes, il ne cautionnait pas cet acte de la part de leur chef de guerre réprouvée. Affronter les puissants guerriers de l'alliance affin de leur prendre leurs terres dans un fier combat était une chose, brûler des milliers de civils, femmes et enfants, en revanche était un acte totalement dépourvus d'honneur.
Bekakk avait ainsi fait jouer de ces peu de relations dans l'armée orc afin d'être retiré du front de Sombrivage, dès les premières réponses des elfes à la prise de positions de la horde, il l'avait comprit : les elfes étaient furieux, et leurs frappes sur ce territoire se feraient extrêmement violentes, et cet affrontement ayant déjà été privé de tout honneur à cause des actes de la reine banshee Silvanas, il n'avait aucune raison de subir ces assauts impitoyables.
C'est ainsi qu'il se retrouvais dans une patrouille de 6 membres, chargés de surveiller et maintenir sécurisées les routes d'Orneval, afin de permettre le ravitaillement nécessaire à l'effort de guerre dans la zone de conflit, plus au nord.
Dans son groupe se trouvait aussi Kriso, un jeune orc originaire de Durotar, mais aussi Ohlorg, un autre vétéran comme lui, ayant connus la 3ième guerre. Il prenait aussi plaisir à discuter de temps en temps avec Shaen'kan, un sorcier-docteur sombrelance aux profondes connaissances, et servait d'intermédiaire entre ce dernier et Nigan, un chaman Tauren qui refusait d'entendre les babillages du Troll sur ces "Loas". Mais le pire dans ce métier était sans doute de devoir supporter les plaintes constantes d'Atalbie, un fusiller Goblin qui semblait détester la foret encore plus que lui, parlant sans cesse de construire une scierie dans la région et se débarrasser de toute cette verdure.
Aussi énervant qu'il l'était, il ne pouvait tout de même qu'être d'accord avec le nabot vert : il n'aimait pas ses arbres.
la portion de route qu'il traversaient maintenant s’enfonçait dans un bosquet d'arbres plus petits, s'ajoutant à l'immense canopée et masquant encore les rayons solaires. La forêt devenait sombre, étouffante... Menaçante. Les chants joyeux des oiseaux et les son distants des machines de menuiseries Goblines laissaient place au quelques sons d'insectes cherchant un compagnon et le hululement insistant d'une chouette. Le groupe le savait, les arbres les observaient. Ils avaient les armes sorties maintenant. Bien que l'effort était concentré sur Sombrivage depuis l'assaut, ils savaient bien que les elfes avaient l'habitude de chasser la horde dans Orneval auparavant, et les créatures sauvages étaient tout aussi mortelles que les Kaldorei dans la région.
"je n'aime pas ça."
Bekakk n'avait pu s’empêcher de laisser s’échapper ces mots.
"- Tu n'aimes jamais rien de toutes façons." Lui répliqua Ohlorg. "- Non, il n'a pas tord, les esprits sont agités!" Ajouta Shaen'kan "-Shhhh!"
Avant que le tauren, se préparant vraisemblablement à répliquer, n'ai put sortir un son, Ohlorg intima l'ordre. Un grondement se faisait entendre.
Un traquelune? Avec les récents événements, plusieurs groupes s'étaient déplacés vers le sud. Il n'en avait encore jamais affronté. L'orc empoigna le manche de sa hache fermement, laissant l’adrénaline grimper.
Tout autre son s'était tût, le grognement semblait se déplacer dans les alentours, mais était intraçable. Il était profond, calme, régulier... On aurait presque pu penser que l'animal ronronnait.
De longues minutes passèrent ainsi, la patrouille s'enfonçant doucement dans les ténèbres, faisant son maximum pour ne pas briser le silence dont seule la bête s'affranchissait. Une chose était sûre : bien qu'ils s'étaient éloignés, le son ne s'était pas atténué : ils étaient suivis.
Simple curiosité animale? C'est ce que Bekakk espérait. Le félin semblait fantomatique.
Soudain, le silence tombât. Plus un murmure, plus un seul chant.
Aucun fourré ne bougeait, mais il savait qu'il l'observait. Aucun bruit du feuillage ou de branchages jonchant le sol, mais il savait qu'il les traquait. Aucun signe de sa présence, mais il savait qu'il était juste là.
Un seul son rompit cette atmosphère : la gâchette du fusil venait d'être armée.
Cela eu l'effet d'un signal. La seule chose que l'orc eu le temps de voir fut une massive forme sombre surgissant d'un buisson. En se retournant, il ne trouva à la place d'Atalbi qu'une mince gerbe de sang. les gardes pouvaient encore entendre le hurlement du Goblin se perdre dans la végétation encore remuante.
"- Tous en Cercle!"
L'ordre fut braillé par réflexe, le groupe commençait à se mettre en place, mais le chasseur perça un nouveau trou dans les fourrés, Bekakk n'avait pas réussi à le suivre du regard longtemps, mais la créature avait frappé le féticheur dans un angle mort parfait. Le troll de pourtant deux mètres fut facilement emporté dans l’insécurité de la nature.
Les quatre survivants s'étaient placés dos à dos, laissant un intervalle d'environs 2 mètres afin de permettre à chacun d'utiliser son arme sans gêner ses voisins. La formation était travaillée, ils avaient l'habitude de combattre ensemble. Seul le jeune Kriso était visiblement fortement perturbé par les éventements, baragouinant sans cesse et agrippant son arme de tout son être.
Un long instant sans aucun indice d'une nouvelle attaque... Celui-ci semblait une éternité pour le guerrier à la peau verte. Était-ce fini?
Il n’eut pas le temps de chasser cette idée de son esprit qu'une lourde masse s’abattit sur le Tauren depuis les hauteurs arboricoles. Avant même que ce dernier n'ai le temps de se défendre, quatre pattes ornées de griffes s'étaient profondément enfoncées dans son dos, le lacérant de haut en bas alors que le fauve laissait la gravité faire le travail au sol.
Bekakk fit volteface pour voir son adversaire. Une immense panthère au pelage bleu violacé retirait ses crocs aussi longs que des poignards de la nuque de son camarade cornus, qui s’effondra sous l'assaut. Oreilles baissées, queue fouettant les airs autour d'elle, la bête était dans une véritable frénésie. Au milieu du groupe, personne n'osa frapper de peur d'achever Nigan, mais le court instant que cela dura, le peau verte comprit.
Ce n'était pas une simple panthère, elle ne ressemblait pas aux traquelunes. Un collier de crocs et de plumes tintait sur l'une des pattes avant de l'animal. D'étranges symboles se dessinaient dans son pelage, et les pupilles fendues de son regard perçant étaient entourés d'une fureur argentée scintillante, presque comme deux lunes. Oui, la lune, la divinité de ses maudits elfes. Aucun doute possible, c'était bien un druide de l'alliance, ceux dont il avait entendu parler, mais jamais affronté par lui-même auparavant, du moins pas sous une forme aussi bestiale.
Avant que les Orcs ne se remettent du choc de l’embuscade, le druide poussa un rugissement féroce avant de disparaitre d'un bond agile dans les fourrés. Il allait revenir, c'était sûr, mais d'où? Maudite Forêt! Travaillait-elle avec cet elfe pour les condamner?!
Sous la pression, Kriso craquât. Il passa d'un saut le corps inerte du chaman, et prit la fuite vers le camp le plus proche du pas le plus rapide qu'il possédait. Les deux autres eurent dans l'idée de le suivre, mais un bruissement les immobilisa, les obligeant à faire volteface afin de se préparer à l'attaque.
Un bruissement? Cet ennemi n'avait fait aucun bruit jusqu'ici. Il comprit trop tard la supercherie. Seule sa vision périphérique lui permit de voir la fin du bond du félin, dans leur dos, qui utilisa toute la puissance de l'élan pour faucher d'un coup la joue d'Ohlorg, le mettant à terre, inconscient, sous la violence du choc.
L'Orc réalisa qu'il se trouvait désormais seul face au prédateur. Il avait réussi à éliminer une patrouille en quelques instants, et il se dirigeait maintenant lentement vers lui en feulant. Il ne lui restait plus qu'a livrer son dernier combat, pour mourir dans l’honneur. Il hurlât en empoignant de plus belle la hampe de sa hache :
"- Approche monstre!"
Le félin stoppa, et un ricanement se fit entendre.
"-Monstre?"
Les yeux du druide brillèrent d'un éclat vert, et d'épaisses racines surgirent autour de Bekakk. Il ne put que brièvement se débattre et en couper quelques unes avant que le nombre ne le submerge et entrave ses mouvements, le forçant genoux à terre sous une pression colossale.
Un léger flash émana du fauve, le temps de cligner des yeux, se trouvait maintenant en face de lui une elfe de la nuit. Une Elfe sans aucune forme d'imperfection visible, au teint violet, aussi violet que la couleur de certaines mousses d'Orneval et portant une tenue en cuir, plutôt moulante, mais laissant une liberté de mouvement parfaite. Une longue chevelure mauve coulait sur ses épaules, jusqu'au milieu du dos, cachant la base de longues oreilles pointues, typiques de la race. Ses fines lèvres dessinaient un sourire amusé, mais ses yeux argentés, sublimés par deux marques ressemblant fortement à la griffure du fauve dont elle savait prendre la forme, laissaient filtrer ses véritables sentiments : une profonde rage meurtrière.
Elle pointait sur lui une lance à la pointe finement travaillée, probablement en acier lunaire à l'éclat, montée sur un manche en argent. Une elfe tout ce qu'il y avait de plus détestable et laide.
"- Tu trouves que je suis un monstre?" ricana-t-elle d'une voix suave.
"- Qui est le vrai monstre? une troupe militaire, chassant une kaldorei et sa famille de leur maison, pour raser leurs forêt sacrée, dans le but de construire des armes de siège afin de s'en prendre à leurs alliés, pour finalement monter un raid finissant par brûler le foyer de tout un peuple, assassinant d’innombrables civils, ou le monstre est-il l'elfe de la nuit réclamant désormais vengeance?"
Bekakk n'avait pas grand chose à répondre sur le moment. L'elfe continuait :
"- j'ai longtemps pardonné ses affronts envers la forêt à la horde, notamment la dévastation de notre douce Orneval et cherché la paix entre nos deux factions aussi longtemps que possible... Mais l'embrasement de Teldrassil était de trop. Maintenant, par la fureur de la nature, vous allez disparaitre de ces bois, de gré ou de force! Maintenant vas dire à ton campement de faire son choix! Et ne te retourne pas... ou tu auras à faire à la fureur de la druidesse Tyrilanel Fallstamp à nouveau."
Chassant d'un coup de pied la hache du nouveau messager, l'elfe le frappa de son arme dans le flanc, avant de reprendre sa forme de félin, rompre d'un coup de crocs le cou du malheureux Ohlorg, et disparaitre dans les profondeurs ténébreuses des arbres d'Orneval.
Peu après son départ, les racines relâchèrent leur emprise, libérant le blessé qui se dirigea péniblement vers l'avant poste d'où son escouade décimée venait.